Rencontre avec James Cleaver, Chargé de mission climat-énergie-patrimoine des collectivités au sein de l’ALEC de Grand Paris Seine Ouest (GPSO).
Dans le cadre du plan de sobriété annoncé par le gouvernement, les collectivités sont invités à réduire de 10% leurs consommations énergétiques d’ici à 2024. Des objectifs ambitieux qui viennent compléter ceux du décret tertiaire (-40% d’ici 2030).
Pour Transition2050, James Cleaver, chargé de mission climat-énergie-patrimoine au sein de l’ALEC de Grand Paris Seine Ouest a répondu à nos questions.
Transition2050 : Pouvez-vous nous présenter l’ALEC GPSO ?
James Cleaver : L’Agence Locale de l’Énergie et du Climat de Grand Paris Seine Ouest a été créée en 2008 par l’Établissement Public Territorial GPSO et intervient sur 8 communes : Boulogne-Billancourt, Chaville, Issy-les-Moulineaux, Meudon, Sèvres, Vanves, Ville-d’Avray et Marnes-la-Coquette. Nous accompagnons les habitants et les collectivités de notre territoire à lutter contre le changement climatique en rénovant leur logement et les encourageons à engager des actions de sobriété énergétique tout en sensibilisant les concitoyens.
Pour ma part j’ai la charge de l’accompagnement des collectivités (les 8 communes et l’intercommunalité elle-même) sur les sujets énergétiques. Je suis à la fois en contact direct avec les services bâtiments des villes concernant la rénovation du parc public notamment, et au contact des services développement durable que j’accompagne sur le PCAET ou sur les différentes missions Climat Energie qui peuvent porter sur le renouvelable et l’adaptation des territoires au changement climatique par exemple.
Transition2050 : Où en sont les collectivités de votre territoire dans leur transition énergétique ?
James Cleaver : Les collectivités sur le territoire ont adopté de nombreux outils : PCAET, Schéma Directeur Énergie, plateforme de management de l’énergie, budget carbone etc. Certaines ont même recruté des économes de flux en interne, ce qui facilite grandement notre travail. Nous sommes sur un territoire capable financièrement de faire de l’ingénierie territoriale et les collectivités sont toutes dans les temps pour répondre aux différentes réglementations. En revanche, toutes sont conscientes et nous les premiers, du travail et des efforts qu’il nous reste à fournir tant sur les passoires thermiques que pour atteindre les objectifs 2030, 2040 et 2050 du décret tertiaire.
Donc nous sommes très avancés par rapport à d’autres communes mais très loin du compte au regard des objectifs qu’il faudrait se fixer pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Transition 2050 : Est-ce que les collectivités de votre territoire ont mis en place des outils ou des méthodologies communes pour répondre aux changements climatiques ?
Oui, par exemple le Budget Carbone nous donne une version plus actualisée des émissions de GES que le diagnostic du PCAET et le Schéma Directeur Énergie nous fournit une projection sur nos opportunités dans le renouvelable. Nous avons également des projets de décarbonation des réseaux de chaleur et de nouveaux réseaux sont en réflexion sur certaines communes. La plupart des villes de GPSO souhaitent également investir largement dans les énergies renouvelables et de nombreuses discussions sont en cours autour de la géothermie et du photovoltaïque.
Sur le volet « adaptation », qu’il me semble important d’évoquer, nous avons mis en place une cartographie des îlots de chaleur et de végétation du territoire. Le logiciel permet, à partir d’analyses photographiques, de repérer les îlots de chaleur (et donc les quartiers les plus à risques face à la hausse des températures). Grâce à cette visualisation, les villes peuvent à la fois être pro-actives en cherchant des solutions et surtout ne pas aggraver ces quartiers en y faisant construire de nouveaux logements par exemple.
Transition 2050 : Le gouvernement a annoncé cet été le lancement d’un plan de sobriété énergétique. Comment les collectivités s’adaptent-elles ?
James Cleaver : Au niveau des collectivités, des groupes de travail se sont mis en place à l’échelle intercommunale GPSO pour faire des propositions d’actions concrètes de réductions des consommations autour de l’éclairage public, des enseignes lumineuses et publicitaires ou encore des illuminations de Noël.
Certaines collectivités ont également sollicité leurs directions des services techniques pour déployer en interne des plans de sobriété, avec pour ambition, entre autres, de réduire les températures ambiantes dans les différents bâtiments (administratifs, sportif, etc.).
Ensuite en tant qu’Alec nous nous sommes positionnés sur deux axes :
- L’apport méthodologique. Grâce à nos connaissances et à la veille réalisée (rapport prévisionnel de RTE, documents de l’ADEME…) j’ai mis en place des rendez-vous bilatéraux avec les communes pour leur donner quelques clefs et passer en revue les différents leviers d’actions envisageables. Nous avons également créé un atelier « initier un plan de sobriété » avec EDF et GRDF dans lequel nous avons expliqué aux collectivités la hausse des prix de l’énergie et l’importance de la réduction des consommations.
- L’accompagnement. Une fois le plan d’action défini, je travaille avec les « référents plan de sobriété » ou « ambassadeurs sobriété » nommés (ou recrutés spécifiquement) dans chaque bâtiment. Leur rôle est primordial pour la mise en application des consignes de réduction des consommations. Je les accompagne grâce à une formation sur l’énergie, sur les écogestes à mettre en place, leur rôle et celui des responsables bâtiments mais également sur la façon d’adapter le sujet en interne (discours, posture, légitimité…).
Transition2050 : Selon vous, quel est le calendrier méthodologique pour répondre au plan de sobriété énergétique & au Décret Tertiaire ?
James Cleaver : Le plan de sobriété vient bousculer les objectifs de réduction du décret tertiaire c’est évident (les objectifs de déclaration ayant déjà quasiment abouti pour cette année). Malgré tout, les collectivités ont déjà réfléchi depuis un an et demi au Décret Tertiaire. La collecte des données, les études énergétiques et les plans d’action de travaux de rénovation énergétique ont déjà été réalisés ou sont en cours. Les collectivités peuvent s’appuyer sur ces éléments pour répondre au plan de sobriété.
Si certaines collectivités ont un peu de retard, je leur conseille de réaliser leurs audits énergétiques de façon complète, en intégrant une évaluation de la performance énergétique du bâtiment mais aussi l’évaluation des opportunités du renouvelable par exemple. Si l’on se rend compte de l’état de la toiture pour l’évaluation de l’étanchéité, ce n’est pas plus long pour un bureau d’études de définir si oui non les toits peuvent supporter le poids de panneaux photovoltaïques. Les deux réglementations doivent ainsi être vues comme complémentaires. Le plan de sobriété va notamment permettre d’accélérer la mise en place d’actions de sensibilisation, également évoquées comme levier pour répondre aux objectifs du Décret Tertiaire.
Transition2050 : Un dernier message que vous souhaiteriez faire passer ?
James Cleaver : J’encourage les communes à réaliser des Schémas Directeurs Immobilier et Energie (SDIE). Cette démarche intègre tous les coûts de fonctionnement des bâtiments, leur niveau d’usage ainsi qu’un indice de vétusté. Ainsi, les élus ont une vision globale de leur parc et des usages de toutes les surfaces qui, bien souvent, ne sont pas optimisées. Cette stratégie permet d’envisager à la baisse les besoins de construction de nouveaux bâtiments. Or avec la hausse des prix de l’énergie, qui ne rebaisseront probablement pas avant plusieurs années, un SDIE permet de jouer sur le levier de la mutualisation, d’avoir une stratégie patrimoniale allant dans le sens de la sobriété et d’identifier des économies d’énergie facilement.